Dans un article publié sur la RTS Info, Avenir Suisse nous dit que ce sont les femmes qui sont responsables des inégalités salariales. On y apprend qu’un des problèmes « viendrait des femmes elles-mêmes et de leurs choix individuels: une préférence pour le temps partiel, un manque d’intérêt pour les professions techniques et moins de flexibilité géographique et temporelle. »
Qui est Avenir Suisse?
Cette institution se définit comme un « think tank » indépendant qui développe des idées pour l’avenir. Ils souhaitent « offrir des opportunités aux générations futures et entendent animer le débat public avec des solutions innovantes. » Tout un programme!
L’idée innovante: laisser faire le marché?
Pour Avenir Suisse, même si les femmes gagnent toujours moins que les hommes (en moyenne 20%), il n’est pas nécessaire « de corriger d’éventuelles défaillances dans le marché du travail ». Il n’est pas non plus utile d’instaurer des contrôles systématiques des salaires. Pourtant, comme le démontre les statistiques de la Confédération, « les femmes gagnent toujours en moyenne nettement moins que les hommes, même si elles occupent un poste demandant le même niveau de qualifications ».
Quelques chiffres parlant…
La différence du salaire moyen entre femmes et hommes s’élève à CHF 1’000.- par mois! (les hommes vont gagner en moyenne CHF 6’536.- et les femmes CHF 5’548.-). Encore plus flagrant, 60% des femmes ont un salaire égal ou inférieur à CHF 4’500.-, mais 86% des personnes qui ont un salaire égal ou supérieur à CHF 16’000.- sont des hommes!
Face à ce constat, ne serait-il pas temps de réfléchir de manière un peu différente et de mettre en place des solutions vraiment innovantes?
Interview de Nicole Schwab (écrivaine et fondatrice d’un label pour les entreprises qui pratiquent l’égalité des chances)
Selon Nicole Schwab, nous fonctionnons tous avec des stéréotypes et nous percevons l’existence à travers de biais inconscients. Ces biais vont nous faire percevoir, par exemple, l’image de la femme comme étant encore très liée à la famille. Une autre problématique importante est que la société manque de modèles féminins qui occupent des postes à responsabilités (47% des femmes sont sur le marché du travail, 6% dans des conseils d’administration et 2.5% cheffe d’entreprises).
Alors, si l’on sait que les changements de mentalité et de comportement prennent du temps (en Suisse, les femmes ont eu le droit de vote en 1971), comment faire pour améliorer cette situation?
Etude ayant pour thème: « accueil extra-familial des enfants et égalité »
Allons chercher un début de réponse du côté d’une étude menée dans le cadre du Programme national de recherche qui nous apprend que: « l’augmentation de l’offre de places d’accueil pour les enfants en âge scolaire entraîne une augmentation significative du nombre de femmes qui ont des enfants dans cette classe d’âge et qui travaillent à temps plein. » Plus surprenant: les auteurs démontrent qu’une augmentation de l’offre d’accueil se répercute aussi sur l’activité des pères. « Plus le nombre de places d’accueil de ce type est élevé, plus les pères tendent à réduire leur taux d’activité. » Au final, l’offre de structure d’accueil a une conséquence immédiate et positive sur l’égalité des chances!
La Suède: un exemple à suivre …
La Suède a visiblement compris ce mécanisme depuis des dizaines d’années! Ce pays a mis en place une politique égalitaire depuis les années ’70; sa priorité était d’accorder des chances égales aux femmes. « La Suède est le pays du monde qui compte le plus de femmes au travail (75 % des 20-65 ans, surtout dans le secteur tertiaire et la fonction publique), et le plus de femmes élues au Parlement (43,6 %) ainsi que dans les conseils généraux et les communes. »
Pourquoi? Le système suédois se résume à:
- des prestations familiales à la hauteur des exigences
- des heures de travail et des congés flexibles pour les parents avec de jeunes enfants
- des structures d’accueil et de garde d’enfants abordables et de haute qualité
Actions concrètes pour la Suisse?
Pour en revenir à notre pays et pour être « réellement » innovant, il est important que des actions soient prises, y compris par les entreprises. En voici un éventail:
- les salaires doivent faire l’objet de contrôles
- les structures appropriées pour l’accueil extra-familiales doivent être mises en place; les entreprises peuvent aussi développer leur propre structure d’accueil (en voici une « vraie idée innovante »!)
- le travail à temps partiel pour les hommes devrait être développé (et du coup, mieux accepté!)
- des quotas peuvent être introduits
- des modèles féminins doivent être mis en avant afin de faire évoluer les mentalités
En conclusion, il est quand même surprenant qu’un tel débat doive encore avoir lieu à notre époque. Il nous rappelle aussi qu’en terme de droits, rien n’est gravé dans la pierre. Continuons de nous battre pour que la génération future puisse appréhender avec plus de sérénité ces questions de société!